Extraits du livre “Aux sources de la bicyclette”
Ce court chapitre « administratif et législatif» a priori rébarbatif, est pourtant essentiel à la compréhension de la révolution intellectuelle et industrielle qui libera l’innovation.
Sous l’Ancien Régime, seul le Roi pouvait accorder, un PRIVILÈGE pour une invention ou une découverte. Mais ce privilège d’une durée maximum de 15 ans, ne permettait pas à son détenteur d’en faire le commerce, il avait uniquement le droit d’en construire ou faire fabriquer et d’en jouir exclusivement. Pour en faire le commerce, il fallait que l’inventeur ou le découvreur obtienne de son souverain une lettre patente, ce en quoi les corporations, communautés d’art, de métiers, jurandes, guildes et autres s’opposaient, verrouillant ainsi toutes les innovations.
Cependant certaines corporations, tels les soyeux de Lyon, encouragent l’innovation par l’octroi aux inventeurs de primes et gratifications sans que ceux-ci puissent prétendre à privilège. Hors la corporation point d’innovation, point de commerce !
La première loi sur les brevets d’invention
La Révolution et l’Assemblée nationale constituante décident de rédiger une déclaration dès le 9 juillet 1789 qui ne fut ratifiée que le 5 octobre suivant par Louis XVI sous la pression de l’Assemblée et du peuple accouru à Versailles. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, promulguée le 3 novembre 1789, est une déclaration philosophique universaliste et juridique qui reconnaît l’individu et le citoyen en tant que tel datés de nouveaux droits et devoirs. Cette reconnaissance individuelle engendra la naissance de cette loi.
Conformément à cette loi, le 1er brevet d’invention a été demandé le 10 juin 1791 par Louis-François Ollivier, manufacturier en faïence, rue de la Roquette, 73, Paris. Son brevet de 15 ans a été publié le 27 juillet suivant par le secrétariat du Directoire d’invention du département de Paris et porte le n°1 dudit secrétariat et dudit département.
Bien après Venise (1474) et la Grande-Bretagne (1624), la France se dote d’un arsenal législatif avec les décrets d’Allarde (1791) pour la suppression des corporations ; la loi Le Chapellier (1791)
interdisant toute coalition syndicale, tout droit de grève annonçant la transformation des sociétés agricoles et artisanales en sociétés commerciales et industrielles. La France entre dans la « révolution industrielle » !
Cette loi sera complétée par les décrets des 29 et 31 mars, 7 avril et 7 mai 1791 ainsi que par les lois des 17 mars, 25 mai et 30 septembre 1791 qui spécifient :
• Qu’il sera établi à Paris, sous l’autorité du Comité d’agriculture et du commerce lui-même rattaché au comité des impositions, un dépôt général appelé Directoire des brevets d’invention (Titre I – art. 1)
• Que les secrétariats des départements percevront la taxe afférente ou la soumission qui est fixée à 300 sols* pour un brevet de 5 ans, 800 sols pour 10 ans et 1500 sols pour 15 ans, payable en deux fois, de moitié lors du dépôt et l’autre dans les 6 mois suivants l’obtention du brevet sous peine d’être déchu. A cette taxe sera ajoutée la taxe annuelle imposée à toutes professions d’arts et métiers.
* 1 livre = 240 deniers ou 20 sols. 1 sol = 12 deniers soit environ 0,52 €.
La Loi du 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII) fait disparaître les bureaux de directoires auxquels se substituent les secrétariats généraux de préfecture.
L’instruction du sous-secrétaire d’État de l’Intérieur du 1er juillet 1817 supprime le brevet de découverte qui pouvait les spolier et crée un brevet d’importation qui permet alors de protéger les innovations développées hors de France ou d’importer une invention étrangère inconnue dans les mêmes conditions que précédemment. Toutefois, les étrangers ne peuvent obtenir aucune protection en France.
Une modification de la loi intervint le 5 juillet 1844.
Il n’est pas nécessaire de fabriquer, commercialiser ni breveter pour être l’inventeur.